
Dans un monde de plus en plus divisé, où les tensions ethniques, religieuses et sociales minent la paix, le Burkina Faso détient un secret de cohésion vieux de plusieurs siècles : la parenté à plaisanterie. Ce lien social unique, tissé d’humour, de respect et de tolérance, est bien plus qu’une tradition orale. C’est un pilier silencieux de l’unité nationale, un ciment culturel qui mérite d’être compris, célébré… et surtout transmis.

La parenté à plaisanterie, c’est cette permission mutuelle entre groupes ethniques ou familles d’échanger des moqueries sans jamais se fâcher. Un Bissa peut taquiner un Gourounsi, un Peulh se moquer d’un bobo, un Traoré lancer des piques à un Ouédraogo… et tout cela dans la bonne humeur. Derrière les rires, c’est une arme de paix qui désamorce les conflits, détend les tensions et crée des ponts entre les différences.
À l’heure où la jeunesse est tentée d’oublier ses racines, cette tradition mérite d’être ravivée, racontée dans les écoles, célébrée dans les médias, vécue au quotidien. Car elle n’est pas qu’un folklore du passé, mais une réponse culturelle puissante aux défis d’aujourd’hui.
Quand deux communautés en froid se rappellent qu’elles sont « cousines à plaisanterie », la guerre cède la place à la rigolade. Quand un chef coutumier use de l’humour traditionnel pour calmer une crise, c’est tout un peuple qui gagne en sagesse. Et quand un enfant apprend qu’il peut rire avec l’ »autre » au lieu de le craindre, c’est toute une nation qui se prépare un avenir plus apaisé.
Rions, moquons-nous dans le respect, et rappelons-nous que derrière chaque blague bienveillante, il y a une fraternité profonde. Protégeons cette sagesse d’Afrique, ce rire qui ne blesse pas mais qui soigne.
Judith Stéphanie BARRO