
Au Burkina Faso, comme dans beaucoup de pays africains, un constat alarmant se dessine : de plus en plus de parents délaissent leurs langues maternelles au profit des langues étrangères, notamment le français. Cette tendance, souvent perçue comme un gage de réussite sociale ou d’ouverture sur le monde, révèle en réalité une dangereuse déconnexion culturelle. Un peuple qui abandonne sa langue est un peuple perdu, désorienté et qui a perdu une partie de son âme, son histoire, sa dignité et son identité.
Un héritage en péril
Nos langues locales : le mooré, le dioula, le fulfuldé, le bissa et bien d’autres ne sont pas seulement des outils de communication. Elles portent en elles nos traditions, nos proverbes, notre sagesse ancestrale et notre vision du monde. Lorsqu’un enfant ne maîtrise plus la langue de ses parents, c’est toute une transmission culturelle qui s’interrompt. Comment comprendre les contes de nos grands-mères, les chants des griots ou les enseignements des anciens si nous ne parlons plus ces langues ?
Le piège de la « supériorité » des langues étrangères
Certains pensent, à tort, que parler exclusivement le français ou l’anglais à la maison est un signe de bourgeoisie et d’éveil qui favorisera la réussite scolaire et professionnelle de leurs enfants. Pourtant, de nombreuses études montrent qu’un enfant bilingue ou trilingue, ancré dans sa langue maternelle, développe davantage ses capacités cognitives. Le vrai atout, ce n’est pas de remplacer nos langues, mais de les maîtriser en plus des autres.
Un acte de résistance culturelle
Refuser d’enseigner sa langue maternelle à ses enfants, c’est céder à un complexe d’infériorité hérité de la colonisation. C’est accepter implicitement que nos cultures locales sont »moins nobles » que celles imposées par l’Occident. Pourtant, des nations comme le Rwanda, l’Éthiopie ou le Kenya ont montré qu’il est possible d’allier progrès et préservation linguistique.
Agissons dès maintenant !
- Les parents doivent prendre conscience de leur rôle de passeurs culturels. Parler sa langue à la maison n’empêche pas l’apprentissage d’autres langues, au contraire.
- L’État devrait continuer à renforcer l’intégration des langues nationales dans le système éducatif, comme cela se fait timidement avec les écoles bilingues.
- La société civile peut organiser des ateliers, des festivals et des campagnes de sensibilisation pour revaloriser notre patrimoine linguistique.
Notre langue, c’est notre Fierté
Revenir à nos racines n’est pas un repli sur soi, mais un acte d’affirmation. Un peuple qui perd sa langue perd une partie de son histoire et de sa dignité. Le Burkina Faso de demain doit être un pays où l’on parle français sans complexe, mais où l’on chérit aussi le mooré, le dioula et toutes nos langues avec amour et fierté.
Ensemble, faisons vivre nos mots, nos voix, notre héritage.
M. Adama SAWADOGO