
Dans les cours des concessions, au cœur des villages comme des quartiers urbains du Burkina Faso, il résonne encore, solide et fidèle. Ce n’est ni une machine ni une invention moderne. C’est un compagnon de toujours, un témoin silencieux des traditions et de la cuisine africaine. Le mortier. Oui, ce bloc de bois taillé à la main, que l’on pourrait croire banal, mais qui est en réalité un pilier culturel et identitaire.

Un outil, une mémoire
Le mortier n’est pas qu’un simple ustensile de cuisine. Il est une mémoire. Il garde l’empreinte des mains de la grand-mère qui pilait le mil à l’aube. Il se souvient des chants de travail, des rires complices entre femmes, des conseils murmurés entre deux coups de pilon. Dans bien des familles burkinabè, le mortier est transmis comme un héritage. Il a vu naître, grandir et partir des enfants. Il a traversé les décennies, enraciné dans notre quotidien.
Un objet de lien social en Afrique
Au-delà de son usage pratique, le mortier rassemble. Lors des fêtes, des mariages, ou même des funérailles, il reprend vie. Les femmes, en chœur, pilent avec rythme. Le son du bois qui frappe le grain devient mélodie, presque prière. Autour de lui, on échange les nouvelles du quartier, on rit, on partage. Le mortier devient alors un centre de vie, un cercle de communion.
Un symbole d’endurance culinaire
Dans un monde où tout va de plus en plus vite, où les robots remplacent les mains humaines, le mortier résiste. Il incarne la patience, l’effort, le respect du temps. Il rappelle que chaque chose a son rythme. Que le bon goût du tô ou du riz pilé vient aussi du soin apporté à sa préparation. Il est une leçon de persévérance, un hommage à l’authenticité.
Un appel à la valorisation
Aujourd’hui pourtant, le mortier tend à disparaître dans certaines zones urbaines, remplacé par des mixeurs électriques, plus rapides mais sans âme. Il est temps de redonner sa valeur à cet objet noble. De l’exposer fièrement, de l’enseigner aux jeunes générations, non pas seulement comme un outil, mais comme un symbole vivant de notre culture.
Le mortier n’est pas qu’un accessoire de cuisine. C’est un morceau de notre identité. Il porte le poids de notre histoire, la force de nos traditions culinaires , et le chant profond de nos racines. Préservons-le, honorons-le.
Judith Stéphanie BARRO