
La sous-traitance, censée être un levier de flexibilité et de création d’emplois, s’impose aujourd’hui comme l’un des plus grands cauchemars pour de nombreux travailleurs burkinabè. Dans plusieurs secteurs, elle est devenue le masque légal derrière lequel se dissimulent des abus d’une gravité inacceptable de certaines sociétés.
Le témoignage d’un agent de sécurité à Burkina Média en dit long sur cette dérive : « Mon patron me doit au moins un million de francs CFA. Cela fait maintenant plus d’une année que nous travaillons mais ne recevons pas de salaire. Le comble est que même si j’abandonne, je n’ai pas où aller ». Ces propos, lourds de désespoir, révèlent la précarité extrême dans laquelle sont plongés des milliers de travailleurs. Selon ses dires, ils seraient plus d’un millier dans la même société à attendre toujours leurs dus, malgré une procédure judiciaire déjà engagée.

Voilà la réalité : des hommes et des femmes qui veillent chaque nuit sur nos maisons, nos entreprises et nos institutions, mais qui, au matin, rentrent chez eux sans le moindre franc pour nourrir leurs familles. Une justice saisie mais inefficace. Des employeurs qui défient les lois et s’en sortent indemnes. Une impunité qui frôle le scandale.
Il est urgent que les autorités prennent la pleine mesure de cette situation. Laisser prospérer de telles pratiques, c’est accepter que l’économie burkinabè se construise sur une forme d’esclavage moderne. C’est aussi fragiliser la cohésion sociale, car l’injustice répétée finit toujours par engendrer la colère.
L’État doit donc agir avec fermeté : contrôle renforcé des sociétés de sous-traitance, sanctions exemplaires contre les récidivistes, retrait pur et simple des agréments aux entreprises fautives si nécessaire, et mise en place d’un mécanisme de garantie salariale pour protéger les travailleurs victimes de tels abus.
Au-delà des mesures techniques, c’est un choix de société qui se joue. Le travailleur burkinabè ne doit pas être une variable d’ajustement, encore moins une proie facile pour des employeurs sans scrupules. Respecter la dignité du travail, c’est respecter la nation tout entière.
Il appartient donc à l’État, aux partenaires sociaux et à la société civile de transformer l’indignation en action. Car les mots de cet agent de sécurité ne doivent pas rester lettre morte. Ils doivent résonner comme un appel collectif à restaurer la justice sociale, pilier de toute démocratie véritable.
Adama SAWADOGO