
Au-delà de leur apparence modeste, les chenilles comestibles du Burkina Faso incarnent un trésor méconnu, à la croisée de l’identité culturelle, de la sécurité alimentaire et du développement local. Chaque saison pluvieuse, dans nos villages et forêts, c’est une véritable effervescence : les femmes, les enfants et parfois même les hommes s’activent à la cueillette de ces petits êtres rampants qui nourrissent les corps et les esprits depuis des générations.

Répandues dans plusieurs régions du pays, notamment dans le Centre-Ouest, les Hauts-Bassins et les Cascades, les chenilles — en particulier celles du karité et du peuplier africain — sont intégrées depuis longtemps dans l’alimentation traditionnelle. Grillées, séchées ou cuisinées en sauce, elles constituent une source de protéines exceptionnelle, accessible et respectueuse de l’environnement.

Mais au-delà de leur valeur nutritionnelle, les chenilles sont surtout un pilier économique discret mais solide. Dans bien des familles rurales, leur collecte et leur commercialisation permettent de subvenir à des besoins essentiels : scolarité des enfants, soins de santé, petits investissements agricoles… Elles créent de l’emploi, soutiennent des chaînes de valeur locales et renforcent l’autonomie des femmes, souvent en première ligne dans cette activité.

Ce patrimoine vivant, pourtant si précieux, reste fragile. La déforestation, les feux de brousse incontrôlés et la surexploitation menacent les habitats naturels de ces insectes. Si rien n’est fait pour encadrer leur collecte et sensibiliser les populations à des pratiques durables, ce savoir-faire ancestral pourrait s’éteindre à petit feu.
Yacouba Coulibaly